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À la fin août, un producteur a fait appel à l’agronome Drew Thompson de Semences PRIDE pour déterminer la cause des épis de maïs rabougris, déformés et mal pollinisés dans un de ses champs.

Le producteur était frustré, mais également confus puisque la même semence avait été plantée dans un autre champ situé quelques rangs plus loin et ce champ semblait normal. Les deux champs avaient des historiques et des sols différents, mais le programme d’engrais et de culture était le même. 

« L’autre champ était super – la pollinisation était presque parfaite et les épis étaient assez gros pour pouvoir s’en vanter! », a remarqué M. Thompson. Que pouvait-il bien se passer, se demanda-t-il. 

L’inspection du champ décevant a permis de déterminer que les plants n’étaient pas tous touchés; parmi les plants qui avaient des épis rabougris, il y avait aussi des plants ayant des épis impressionnants. Le champ lui-même était assez homogène, composé de loam argileux ou de loam limono-argileux, avec quelques coteaux plus marginaux. 

M. Thompson a remarqué que le pourcentage d’épis déformés était plus élevé sur les coteaux. « Il n’y avait aucun signe de carence, aucune brûlure ni décoloration; j’ai donc sorti ma pelle », raconte-t-il. En déterrant des plants aux épis normaux et aux épis anormaux, il a pu établir que les semis avaient été faits à une profondeur homogène de deux pouces, et que tous les plants avaient des racines qui poussaient à un angle presque parfait de 35 degrés. Mais que pouvait-il bien se passer, se demanda-t-il à nouveau.

Un examen plus approfondi des plants qui avaient des épis mal formés a révélé qu’ils étaient généralement plus courts, que leur tige était plus fine, et leur panicule, plus petite. M. Thompson a constaté qu’un bon nombre de glumes étaient restées fermées et que les anthères n’avaient donc pu libérer de pollen. Les grains des épis rabougris étaient moins mûrs que ceux des épis normaux. Encore une fois, que pouvait-il bien se passer?

Des recherches dans les ouvrages scientifiques sur les symptômes observés – épis rabougris et mal formés sur des plants courts à tige fine ayant de petites panicules qui ne libéraient pas complètement leur pollen – ont apporté une réponse possible : une carence en bore.  

Le bore est un oligo-élément qui joue un rôle dans la croissance des cellules et qui est particulièrement important au développement des épis et des panicules (le bore est essentiel aux méristèmes, c’est-à-dire les points de croissance, et à la formation des organes de reproduction).

M. Thompson est alors retourné au champ pour prélever des échantillons foliaires de plants normaux et anormaux à des fins d’analyse. Les teneurs en éléments nutritifs étaient très similaires entre les deux types de plants, sauf pour le bore. Les plants anormaux n’avaient que 8 % de la teneur en bore des plants normaux, et les plants normaux avaient eux-mêmes une teneur inférieure en bore à la teneur cible. 

« On commençait finalement à comprendre ce qui se passait », poursuit M. Thompson. Dans les terres agricoles, la majorité du bore se trouve dans les minéraux qui composent la fraction inorganique du sol. Lorsque les minéraux se décomposent, le bore se dissout dans la solution du sol où il peut être adsorbé par la matière organique ou, en raison de sa grande mobilité, être assimilé par les plantes ou tout simplement lessivé. 

Le champ où les épis étaient mal formés avait été ensemencé tardivement et les plants étaient encore assez petits au moment où une période de temps chaud et sec a sévi (de la fin juin à la fin juillet). De plus, les coteaux étaient légèrement érodés et plus pauvres en matière organique. 

Tenant compte de tous ces faits, M. Thompson a conclu que la culture se trouvait au stade de la formation des organes de reproduction pendant la période chaude et sèche et que le manque d’eau a empêché les plants d’assimiler suffisamment de bore. « Le problème était d’autant plus grave sur les coteaux où le sol avait une teneur plus faible en matière organique, une capacité inférieure de rétention d’eau et une teneur plus faible en bore assimilable », affirme-t-il. « Sans apport adéquat en bore, les plants étaient dans l’incapacité de former des panicules et des épis normaux. »

Ce champ n’avait jamais présenté ce genre de problème auparavant, mais les rendements y sont généralement plus faibles étant donné qu’il n’est jamais enrichi de fumier ou de foin puisqu’il est éloigné des bâtiments d’élevage du producteur. Bien que l’absence de fumier puisse, dans certains cas, expliquer les rendements plus faibles, M. Thompson croit que c’est plutôt une carence en bore qui réduira le rendement cette année. 

 En conditions idéales, les sols de l’Ontario peuvent fournir suffisamment de bore aux cultures de maïs, à l’exception des sols très grossiers ou très pauvres en matière organique. Toutefois, le bore est si mobile dans le sol qu’il est difficile de déterminer par l’échantillonnage du sol quelle sera la teneur du sol à un moment futur donné.

« Les conditions pendant la saison de croissance ne sont pas toujours optimales; le bore peut temporairement devenir non assimilable même si le sol a une bonne teneur en bore », explique M. Thompson. 

Compte tenu des effets néfastes d’une carence en bore dans le maïs et de la fréquence et la durée accrues des périodes de chaleur et de sécheresse en Ontario, M. Thomson est d’avis qu’il est nécessaire de mieux comprendre comment inclure cet oligo-élément dans les programmes d’engrais.